On dit de lui qu’il est « l’empereur du vin », on le surnomme également le “Gourou”. Mais ces formulations, Robert Parker Jr ne lui plaisent guère. Il se qualifie d’amateur de vin, amoureux même. En 20 ans, cet “amateur” est devenu LA référence incontournable en matière d’oenologie. Il a même été sacré Officier de l’ordre de la Légion d’honneur par le président Chirac en 1999.
Robert Parker se veut indépendant, et parfois sévère. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont le célèbre Guide Parker, bible de l’acheteur de grands crus. Son palais a la faculté de faire et défaire la réputation d’un producteur. A titre de comparaison, les domaines attendent fébrilement son guide, tel le restaurateur s’impatiente avant la sortie du guide Michelin. Une seule différence : les répercutions sont mondiales, car américains, anglais et japonais le suivent les yeux fermés.
Né en 1947 à Baltimore, dans le Maryland, Robert Parker fera une carrière d’avocat sans vague avant de se consacrer à sa passion, le vin. Celle-ci naît en 1967 lorsqu’il rend visite à sa petite amie de l’époque, en Alsace, pendant les vacances de Noël. Son envie d’écrire lui viendra quelques années plus tard mais son entourage l’encourage alors à privilégier sa carrière d’avocat. Néanmoins, c’est en 1978 que son idée se concrétisera avec la parution du premier numéro de The Wine Advocate. 1982 est son millésime de consécration. Alors que des vins exceptionnels jaillissent des vignes de Bordeaux, le Wine Advocate devient la bible des acheteurs de grands crus. Devant le succès de ses dégustations, il abandonne définitivement le droit pour être critique d’œnologie à plein temps. Son influence sur le monde du vin n’a cessé de croître pour atteindre son acmé sur les millésimes mythiques 1996, 2000 et plus récemment 2005. On a tendance à dire que quand Parker va bien, le monde du vin respire. La revue Wine Advocate compte plus de 40 000 abonnés et est distribuée dans plus de 37 pays.
Mais le monde de Robert Parker n’est pas tout le temps rose, car les professionnels du vin ne savent pas sur quel pied dansé face à lui. Ses détracteurs aimeraient limiter son influence. On lui reproche son amitié avec certains “winemarkers” notamment l’incontournable Michel Rolland, présent sur des centaines de domaines dans le monde. La perversion pourrait pousser certains domaines à vouloir coller aux goûts du gourou et à dénaturer leurs produits. Jonathan Nossiter a tenté de dénoncer cette uniformisation des produits liée à l’influence de cette “mafia parkerophile”, dans le très bon documentaire Mondovino.
Pourtant, même le brûlot de Nossiter ne peut remettre en cause l’honneteté de cet homme. Ses parutions ne comportent pas de publicités, il ne vit pas au milieu des vignes, il ne tape pas sur l’épaule, et il abhorre par dessus tout qu’on le piste jusque dans son village. S’il refuse de voir (ou feint de nous le faire croire) son influence sur le monde du vin, il faut lui reconnaître une constance dans ses goûts et ses choix. Un goût dit “à l’américaine” de vins bodybuildés, boisés et concentrés.
Non. Le vrai danger pour le vin, maintenant, n’est pas Robert Parker, mais son absence. A 60 ans, on dit qu’il prépare une équipe pour lui succéder. Et pas sûre que le monde du vin se porte mieux sans lui.